05/02/2018 : Appel à l'action de Maxime de Rostolan

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Notre gniacqueur, maxime de Rostolan, co-fondateur des fermes d'Avenir et de Blue Bees, a fait part de ses actions récentes et à venir pour changer le modèle agricole français : 

Le temps file. Tout s’accélère.
On a 20 ans pour changer le monde, ce n’est pas simplement le titre d’un film mais bien une conviction que je me suis forgée ces dernières années à coups de débats, de rencontres et de projets.
Dit autrement : si l’on ne bascule pas rapidement dans une économie symbiotique et que l’on ne fait pas nôtre cette autre loi de la jungle qu’est l’entraide, on pourra se poser sur une plage en sirotant des caïpirinhas et regarder la mer monter. 
C’est une perspective qui n’est pas désagréable mais si l’on pouvait garder nos pieds au sec, elle serait encore plus tentante !

Observer que l’usage des pesticides a augmenté en France ces 10 dernières années malgré les objectifs du Grenelle de l’Environnement, réaliser que la richesse continue à s’agglutiner autour de quelques familles au détriment des plus pauvres, constater que ces classes défavorisées caressent encore le rêve américain sucré à l’huile de palme, n’est forcément pas pour nous rassurer. 
Les courbes renforcent, encore et encore, les tendances flippantes d’une société qui va dans le mur. 
Les collapsologues ont raison d’agiter le sujet et poser l’éventualité de l’effondrement de notre civilisation sur la table.

Cette situation est la nôtre. Certains ne s’en rendent pas compte ou feignent de ne pas voir, ils continuent à donner du grain à moudre au système et du fil à retordre aux convaincus. 
Des années déjà que l’heure n’est plus au constat, ceux qui ont compris savent que c’est dans l’action que se trouve le salut. 
Mais quelles actions ? 
Arracher des champs d’OGM, occuper un chantier d’intérêts particuliers contestables ou voler les chaises d’une banque ? C’est nécessaire, cela cristallise notre humanité : nous savons ce que nous ne voulons pas et lutterons pour ne rien nous faire imposer. 
Merci aux ZADistes, aux résistants, aux lanceurs d’alerte. Ils suscitent des vocations (à minima des réflexions) et interfèrent efficacement dans les plans d’une mondialisation déshumanisée.
Mais comme il faut de tout pour faire un monde, ceux qui me connaissent un peu savent que je m’engage, à l’instar de milliers d’autres, sur une voie parallèle et complémentaire : planter des champs d’avenir, concevoir des projets d’intérêt général, donner aux citoyens le moyen de jouer aux banquiers.

C’est en multipliant les stratégies que l’on réussira à circonscrire et anéantir le problème. Chacun peut faire sa part, mais les colibris ne suffiront clairement pas à éteindre l’incendie, il va falloir passer en mode pélicans voire sortir les Canadair…

Alors on s’organise, on change d’échelle, et c’est pour vous raconter cela que je prends aujourd’hui la plume numérique.
L’association Fermes d'Avenir a rejoint le Groupe SOS il y a presque 2 ans, et nous sommes désormais 15 à mettre nos énergies en commun dans ce contexte bienveillant et structurant pour accélérer la transition. 
L’activité de Fermes d’Avenir s’articule autour de 4 pôles : Produire, Former, Financer et Influencer. 
Nous pensons qu’il faut construire une alternative intégrale pour qu’elle soit réaliste, autonome et résiliente, et cet attelage de 4 leviers nous permet de déployer des projets de grande ambition.

Sans être exhaustif, voici quelques-uns des gros projets sur lesquels nous travaillons.

PRODUIRE 
En juillet dernier, nous avons signé un protocole d’accord pour concevoir, sur 70ha de la BA-217, ancienne base aérienne appartenant à Cœur d’Essonne, une ferme permacole de grande surface. 
Polyculture-élevage, gestion holistique, diversité des débouchés locaux, implication de nombreux acteurs comme Terre de Liens ou le Champ des Possibles, mais aussi NaturéO, Intermarché, Bjorg ou encore des restaurateurs comme le Septime ou Dans le Noir. Nous intégrerons avec Akuo une dimension énergétique en créant une ferme photovoltaïque de plusieurs hectares sur des surfaces idoines.

Un appel à projets du gouvernement, dans le cadre du PIA (Plan d’Investissement d’Avenir) porté par le Commissariat Général à l’Investissement, nous a servi de prétexte pour voir encore plus grand : et si cette ferme n’était que le noyau d’un projet de territoire ? Si nous pouvions créer, autour de cette dynamique exemplaire, pas moins de 100 fermes et 2000 emplois pour fournir du bio&local à 100% de la restauration collective et 30% des riverains ? 
Nous avons eu l’immense bonheur de remporter cet appel à projet, et une enveloppe de 400k€ pour affiner la feuille de route et dimensionner l’ensemble. La prochaine étape sera donc, si nous sommes sélectionnés à son issue, de mettre en place ce projet territorial de 70M€ d’investissements public/privé.

Fort de ce succès, nous nous apprêtons à le répliquer sur les 12 autres régions, nous formalisons le projet, levons les fonds très prochainement et recruterons dans la foulée nos payculteurs locaux.

FORMER 
Les payculteurs, justement. Ce terme inventé il y a 3 ans continue d’agiter nos réflexions : il est absolument indispensable de doter les territoires et les maîtres d’ouvrage que sont les représentants de l’aval (transformateurs, distributeurs) de chefs de mission outillés pour accompagner la transition agricole. La demande en produits bio&locaux augmente de 20% par an alors que l’offre française ne croît que de 10% chaque année. Il faut catalyser les dynamiques prometteuses, et notre formation Payculteur, dont la deuxième promotion débutera le 5 février, est une des réponses à cet enjeu.
Une autre solution est le programme Compagnonnage, qui drainera cette année 20 à 25 maraîchers en fin de formation sur une dizaine de fermes, pour parfaire leurs pratiques et diversifier leurs points de vue.

Le catalogue de formations est dense, il y en a pour tous les goûts : vous pouvez vous former aux techniques du jardinage, à la permaculture humaine, à la commercialisation…nous recevons plus de 250 personnes chaque année qui repartent, de ce qu’ils en témoignent, ravis.

FINANCER
Blue Bees continue à se développer : près de 3M€ ont été levés ces deux dernière années, et nous annoncerons au salon de l’agriculture notre rapprochement avec une banque mutualiste qui travaille au plus proche des agriculteurs, avec une innovation sans précédent...
Mais ce n’est pas suffisant, il faut voir plus grand et proposer des solutions de financement à tous les acteurs du changement. Nous présenterons également, dans quelques semaines, un club de financeurs de la transition, qui offrira des véhicules de financement adaptés à toutes les tailles et typologies de projet. Un attelage inédit réunissant des acteurs publics, des fonds d’investissement, des plateforme de financement citoyen…

INFLUENCER
Last but not least…vous avez compris que notre action dépasse l’écologie et l’entrepreneuriat social ou solidaire, il est évidemment très politique.
Après avoir participé aux Etats Généraux de l’Alimentation, nous avons multiplié nos échanges avec les députés, Ministres et élus locaux, et participons avec certains d’entre eux à la rédaction des prochains projets de loi, à la refonte de la PAC, à des PAT (Plans Alimentaires Territoriaux) et aux dispositifs à mettre en œuvre pour transposer dans les champs nos bonnes intentions. 
Nous associons des acteurs de terrain aux réflexions et aidons à infuser les alternatives, au glyphosate par exemple, dans les potions des politique.

La comptabilité en triple capital est l’un des outils que nous portons avec le plus d’espoir : compter ce qui compte, enfin. Arrêter de n’évaluer les projets qu’à l’aune des euros qu’ils reversent aux investisseurs, pour intégrer le capital humain et le capital naturel. 
Pour que demain une marée noire ou un cancer ne soit plus une bonne nouvelle pour la croissance et pour que les arbitrages se fassent avec les bons indicateurs de réussite.

J’aurais envie d’en raconter bien plus, vous parler des fermes que nous nous apprêtons à reprendre (en Bretagne, Normandie, PACA et Moselle), des concours (qui ont remis plus d’un million d’euros en 3 ans à plus de 100 fermes), du FAT 2019 (oui, oui…pas 2018, too much work…), des livres en préparation, des liens avec les associations historiques qui assurent un super travail et nous font de plus en plus confiance, des discussions et projets avec les industriels qui trépignent de pouvoir mettre des actes en face de leurs promesses, de l’accompagnement des agriculteurs qui souhaitent effectuer leur transition….mais bon, c’est déjà (beaucoup) trop long.

J’essaierai à l’avenir de donner des nouvelles plus régulièrement histoire de vous épargner de tels romans…
Et pour ceux qui ont réussi à arriver jusque-là, plein de belles choses à vous.
Merci à toute l’équipe de Fermes d’Avenir et de Blue Bees.
Vive les colibris, les pélicans et les canadair !

Quelques Liens : 
On a 20 ans pour changer le monde, de Hélène Médigue, sortie en salle le 11 avril 2018.
Projet TIGA, 100 fermes et 2000 emplois en Essonne : article des Echos : http://bit.ly/2DXDDZ1
Payculteur : http://bit.ly/2GI87vQ
Catalogue de Formations : http://bit.ly/2FACItR
Comptabilité en triple capital : http://bit.ly/2DWaGbM

Economie symbiotique, de Isabelle Delannoy : http://bit.ly/2zlbE37
L’entraide, l’autre loi de la jungle, de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle :http://bit.ly/2DUA5qc